Forum européen du cacao 2019 à Lisbonne : discours du ministre Alain-Richard DONWAHI

A l'ouverture officielle, le Ministre Alain-Richard Donwahi présente les cadres d'actions du gouvernement ivoirien pour une cacaoculture sans déforestation.

 

 

 

DISCOURS INTEGRAL DU MINISTRE Alain-Richard DONWAHI

 

Monsieur le Président de l’Association Européenne du Cacao,

Honorables invités,  

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais au nom du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, commencer par remercier les autorités portugaises, pour toute l’attention dont nous sommes l’objet depuis que nous avons foulé le sol de ce beau et paisible pays.

Toute notre reconnaissance et notre gratitude vont également à l’Association Européenne du Cacao, pour cette heureuse initiative et l’honneur qu’elle nous fait en nous associant à ce Forum aussi important que prestigieux.

Je voudrais aussi saluer les sommités de la chaîne de valeur du cacao réunies dans cette salle.

Mesdames et Messieurs,

Le monde du cacao réuni dans cette salle est bien informé de l’importance de cette spéculation dans l’économie mondiale en général, et dans celle de la Côte d’Ivoire en particulier. En effet, les experts estimaient en 2017 à près de cent dix milliards de dollars, la valeur ajoutée générée par la chaine de valeur du cacao.

En ce qui concerne mon pays, la Côte d’Ivoire, le cacao est une spéculation stratégique. Le cacao compte pour environ 14% du PIB national, et contribue à plus du tiers des recettes d’exportation. La cacaoculture, pratiquée par près d’un million de petits exploitants individuels, occupe plus de 8 millions de personnes, soit le quart de la population ivoirienne. Ainsi, l’économie ivoirienne est tributaire de la « bonne santé » de l’économie cacaoyère. En Côte d’Ivoire, « Quand le cacao va bien, tout va bien».

Mesdames et Messieurs

Le monde change et avec lui, la filière cacao, qui fait face à de nouveaux défis.

L’un des défis que nous devons tous relever porte sur le développement durable de l’économie cacaoyère.

En Côte d’Ivoire nous le savons, le système actuel de production du cacao demeure extensif et dévoreur de forêts et de terres, avec des rendements encore faibles, en deçà du potentiel du verger existant.

En effet, il est de notoriété publique que le rendement moyen des exploitations cacaoyères de la plupart des pays producteurs d’Afrique, fournisseurs de plus de 70% de l’offre mondiale de cacao, oscille entre 400 et 500 kilogrammes à l’hectare.

A titre d’exemple, le rendement moyen en Côte d’Ivoire est estimé à 400 kg par hectare, contre un potentiel pouvant aller jusqu’à 3 Tonnes. Il faut par conséquent améliorer la productivité

Mesdames et Messieurs

Le défi de l’amélioration de la productivité est encore plus grand dans le contexte actuel, caractérisé par le réchauffement climatique, la déforestation et la dégradation des terres, la perte de la fertilité des sols, la recrudescence des maladies comme le swollen shoot et d’insectes nuisibles.

Avec les effets du changement climatique, perceptibles par tous, nous ne pouvons plus continuer à pratiquer la cacaoculture comme nous le faisons depuis le début des années 70, c’est-à-dire une cacaoculture extensive, non respectueuse de l’environnement. Il nous faut désormais prendre en compte la dimension environnementale en luttant contre la déforestation à travers notamment la cacaoculture intensive, l’utilisation de matériel végétal performant et la promotion de l’agroforesterie.

Ne pas agir pour améliorer la productivité des exploitations cacaoyères, reviendrait à enfermer le producteur dans le cercle vicieux de la pauvreté.

J’insiste pour dire qu’il s’agit bien d’améliorer la productivité et non d’augmenter la production.

Mesdames et Messieurs,

La lutte contre la déforestation constitue le deuxième défi pour une durabilité du cacao culture.

Il est possible de lutter contre la déforestation et améliorer la productivité des exploitations cacaoyères, à travers notamment des politiques et stratégies qui concilient les actions de préservation, de restauration des forêts avec les bonnes pratiques de la cacaoculture.

Dans cette optique, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont signé en novembre 2017, à Bonn en Allemagne, en marge de la Cop23, le Cadre d’Action Commune de l’Initiative Cacao et Forêts qui vise à éliminer la déforestation dans la chaine d’approvisionnement du cacao.

Dans le cadre de cette Initiative, une trentaine d’entreprises de l’industrie du cacao et du chocolat se sont engagées aux côtés de ces deux pays, qui fournissent près de 65% de l’offre mondiale de cacao, à lutter contre la déforestation imputable à la cacaoculture. Cet engagement marque la volonté de l’industrie du cacao et du chocolat à réduire son empreinte carbone dans la chaine d’approvisionnement du cacao, aux côtés des Gouvernements.

L’Initiative Cacao et Forêts met l’accent sur la promotion de la cacaoculture intensive, de l’agroforesterie et la contribution à la restauration des forêts.

Ces deux pays signataires du Cadre d’Action Commune de l’Initiative Cacao et Forêts ont adopté des plans d’actions et des budgets depuis fin 2018, selon un processus inclusif et participatif.

Ces budgets adoptés par les Comités de Pilotage du Cadre d’Action, comprenant les hauts représentants gouvernementaux des deux pays et des entreprises du cacao et du chocolat, n’attendent qu’à être financés en vue de la mise en œuvre effective des actions sur le terrain.

Mesdames et Messieurs,

Saisissant l’opportunité qui m’est offerte à cette tribune, permettez-moi de vous parler brièvement, en plus de l’Initiative Cacao et Forêts, de l’un des actes majeurs pris par le gouvernement de Côte d’Ivoire, pour lutter contre la déforestation.

En effet, en mai 2018, le gouvernement ivoirien a adopté une nouvelle politique de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts. Cette nouvelle politique prévoit une gestion différentielle des forêts classées selon des catégories basées sur le taux de couverture forestière.

L’introduction du concept « d’agro forêt » dans la politique nationale vise d’une part à concilier la foresterie et l’agriculture, et d’autre part, à protéger et à étendre le patrimoine forestier résiduel.

Le secteur privé sera impliqué dans la gestion des agro forêts à travers des conventions de concession, avec pour mission, d’une part l’encadrement des producteurs et d’autre part, la participation à la restauration de la couverture forestière de ces espaces.

La mise en œuvre effective de cette politique permettra à la Côte d’Ivoire de recouvrer 20% de son couvert forestier à l’horizon 2045.

Mesdames et Messieurs

La recherche de solutions à la problématique de la déforestation devra être orientée vers des actions concrètes à mettre en œuvre, simultanément, tant dans les zones à vocations agricoles que dans les zones protégées, pour espérer avoir des impacts significatifs en terme de couverture forestière.

Il faut désormais intégrer des arbres dans les exploitations cacaoyères. La pratique de l’agroforesterie est impérative si l’on veut assurer la production durable du cacao.

Je peux vous assurer que la mise en œuvre de cette nouvelle politique se fait en parfaite concertation avec les institutions nationales concernées dont le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable et le Conseil du Café-Cacao, représenté à ce Forum.

Nous devons sauver la planète, préserver la forêt pour que l’économie cacaoyère soit prospère, durable, au bénéfice de tous les acteurs de la chaîne des valeurs du cacao.

Mesdames et Messieurs,

A ce stade de mon propos, je souhaite vous assurer que la Côte d’Ivoire, comme les autres pays producteurs de cacao, prend très au sérieux et suit avec une très grande attention, les consultations en cours en Europe, relativement à la déforestation importée.

 

La lutte contre la déforestation requiert des actions lourdes et la prise en compte de thématiques complexes avec l’implication de plusieurs acteurs du secteur public, du secteur privé et de la société civile. La mise en œuvre des actions prévues prendra du temps et devra être envisagée sur le court, moyen et long terme.

Le Gouvernement ivoirien s’y est engagé résolument, à commencer par la réforme des dispositifs législatifs et réglementaires. A cet effet, un nouveau code forestier a été adopté le 17 juillet dernier, conséquence de la nouvelle politique forestière adoptée par le Gouvernement en 2018 et des innovations majeures qu’elle renferme.

Les projets de textes d’application du nouveau code font l’objet de concertations avec les parties concernées, en particulier avec les entreprises du cacao et du chocolat. Les premiers textes seront adoptés par le Gouvernement dès la semaine prochaine.

Compte tenu de ces enjeux et de l’importance socio-économique du cacao dans l’économie de nos pays, la résolution de la problématique de la déforestation devra être envisagée selon un processus progressif assorti de moratoire, avec un dispositif de mesures de progrès et non de sanctions.

Le moratoire vise à organiser au mieux la prise en charge des impacts sociaux et à respecter les droits humains liés à la mise en œuvre de la nouvelle politique forestière. Nous souhaitons que les consultations européennes en cours sur la déforestation importée, en tiennent compte.

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais brièvement aborder la question du travail des enfants dans les plantations de cacao ; je peux vous assurer que mon pays, la Côte d’Ivoire, comme le pays frère, le Ghana, continuent de renforcer leurs actions entreprises dans le cadre du protocole Harking- Engel visant à éliminer les pires formes de travail des enfants.

Pour les producteurs de cacao, la place de l’Enfant est à l’école et non dans les plantations.

Le défi majeur à relever sur cette problématique est d’assurer la cause profonde de ce phénomène, qui consiste à lutter contre la pauvreté dans les communautés productrices de cacao.

Il convient de souligner l’implication personnelle de la Première Dame de la République de Côte d’Ivoire, Madame Dominique OUATTARA, Présidente du Comité National de Suivi, dans la lutte contre ce fléau.

Mesdames et Messieurs,

Pour terminer mon propos, je voudrais souligner l’urgence d’agir, car le monde du cacao est en train de vivre des mutations profondes comme le réchauffement climatique, la déforestation et les exigences accrues des consommateurs visant à respecter les normes environnementales, sociales et d’éthique.

Ces mutations, qui requièrent de changer de paradigme, constituent en même temps des opportunités à saisir pour promouvoir une économie cacaoyère durable, compétitive, prospère et exemplaire respectant les normes sociales et préservant l’environnement et les forêts.

Le défi majeur reste à conjuguer nos efforts pour la mobilisation des ressources financières requises pour mettre en œuvre des actions concrètes sur le terrain. C’est à ce prix que nous sauverons la planète, la forêt, pour une économie cacaoyère durable et compétitive.

Les industriels du cacao et du chocolat ont un rôle primordial à jouer dans ce processus.

C’est sur cette note que je voudrais terminer mon propos en vous réitérant tous nos remerciements pour l’organisation de ce Forum.

 

Je vous remercie de votre aimable attention !

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